Écrire & traduire au féminin
par Olga ANOKHINA (ITEM, UMR 8132 CNRS/ENS)
Dans le cadre de ce projet qui fait émerger une nouvelle problématique jusqu’alors non explorée, nous chercherons à savoir si la démarche créative et traductive des écrivaines plurilingues et des traductrices-femmes a ses propres spécificités et ses propres caractéristiques intrinsèques. Jusqu’à présent, les écrivaines plurilingues et traductrices n’ont jamais été étudiées dans une perspective combinant à la fois 1) les problématiques de Gender studies et 2) la perspective génétique qui cherche à cerner le processus créatif de l’acte d’écriture et de traduction.
Anne Weber, Irène Némirovsky, Clarice Lispector, Amelia Rosselli, Silvia Baron Supervielle, Rahel Levin Varnhagen, Hélène Cixous, Alejandra Pizarnik, Victoria Ocampo, Margo Glantz, Elsa Triolet, Elisa Chimenti, Marina Tsvetaeva, Cécile Wajsbrot, Ludmila Savizky, Nella Nobili, Nicole Brossard, Anna Akhmatova, Barbara Bray, Lucia Morpurgo Rodocanachi, Yoko Tawada, Barbara Wright… ce sont les corpus qui seront étudiés par les membres du projet avec la méthode élaborée à l’ITEM : la critique génétique. Par conséquent, l’ensemble des recherches menées dans le cadre de ce projet sera basé sur des matériaux d’archives (les brouillons, les lettres, les notes, etc.) qui, au-delà de la perspective génétique qui nous renseigne sur le processus créatif de ces femmes autrices et traductrices, pourront dévoiler également les luttes internes et externes entre l’autocensure personnelle de ces femmes et la censure extérieure (réelle ou supposée) des hommes.
Un point commun à toutes les écrivaines plurilingues étudiées dans le cadre du projet c’est qu’elles ont eu une intense activité de traduction, en devenant ainsi médiatrices et ambassadrices entre les langues et les cultures. Dans leur cas, la traduction a souvent servi d’un espace d’écriture expérimental et de fuite, à la fois, de l’imaginaire littéraire masculin et des préceptes du monolinguisme. Dans le cadre de ce projet, nous allons donc identifier et étudier les liens entre la traduction et l’écriture chez ces femmes écrivaines-traductrices.
Les périodes couvertes par le projet –XIXe, XXe et XXIe siècles– permettront d’observer l’évolution dans le regard porté par la société et par elles-mêmes sur le statut et les activités des écrivaines et traductrices. On verra ainsi comment, face aux canons monolingues et masculins imposés, ces autrices et traductrices défont et refont la/les langues et le langage, en dépassent les frontières linguistiques, identitaires et culturelles.
© Femme, L’écriture, Table. Saydung89