Réception de la philosophie allemande classique chez les artistes

Réception de la philosophie allemande classique chez les artistes
(XIX^e-XXI^e siècles, Europe & USA)

par Mildred GALLAND-SZYMKOWIAK (CNRS / Thalim, ENS)

Alors que la réception de la philosophie allemande classique par les philosophes français a fait l’objet d’un certain nombre d’études, la recherche s’est encore peu emparée de la question de sa connaissance et de ses usages par les artistes. Afin de combler ce retard, l’ambition du projet est d’ouvrir un espace de dialogue interdisciplinaire, nourri par des études de cas, sur le rôle de la découverte des philosophies idéalistes et romantiques allemandes (incluses dans l’appellation maintenant bien installée de “philosophie allemande classique”, Klassische deutsche Philosophie) par les artistes européens et américains (arts plastiques et arts du spectacle et de la performance), du début du XIX^e s. jusqu’à l’art contemporain.

L’attention que ce corpus philosophique suscite très tôt dans le champ artistique relève d’échanges directs, d’intérêts communs, ou d’une forme d’émulation ; il concerne divers aspects, notamment le rôle de l’art dans l’accès à l’absolu, ou encore la connexion entre esthétique et éthique. Plusieurs études ont montré que les peintres allemands du début du XIX^e siècle (C. D. Friedrich, Ph. O. Runge, C. G. Carus) rencontrèrent ou lurent Schelling, et furent plus généralement en contact avec le kantisme, l’idéalisme et le romantisme. La réception de Fichte et de Schelling par des architectes de leur époque a aussi été étudiée.

Néanmoins, le champ à explorer est bien plus vaste : qu’en est-il d’une connaissance plus lointaine ou plus diffuse de ces philosophies ? Il s’agit d’enrichir ce domaine de recherche en envisageant les processus par lesquels la philosophie classique allemande a pu nourrir certaines pratiques artistiques, de manière contemporaine autant que différée, en Allemagne, dans le reste de l’Europe et aux États-Unis. Dans un colloque international et interdisciplinaire (printemps 2024, ENS, Paris), on ouvrira un espace de dialogue entre historiens de l’art et philosophes pour éclairer les phénomènes de transferts, non seulement de la philosophie vers l’art mais entre différentes aires linguistiques, germanophones, francophones et anglophones. L’objectif sera de privilégier, par une enquête historique, l’étude des médiateurs et des organes de diffusion de la philosophie classique allemande ayant permis aux artistes de se l’approprier, de la détourner, voire de l’interroger dans leurs projets et pratiques.

En amont, un séminaire de formation à la recherche, commun à l’ENS-PSL (philosophie, M. Galland) et à l’Université de Strasbourg (histoire de l’art, J. Ramos) étudiera la réception de la philosophie allemande dans les archives du sculpteur et dessinateur Théophile Bra (1797-1863).