Du 6 janvier au 7 février 2020
Les lisières de la fiction dans l’Europe des Lumières
Professeur invité par l’équipe “Écritures des Lumières” de l’ITEM et l’EUR Translitteræ en janvier-février 2020
L’étude place au centre de son projet l’attention à la translation postulée comme propriété constitutive de la fiction telle qu’elle est illustrée et racontée par de nombreux romanciers européens au temps des Lumières. Narrations à la première personne, mémoires ou témoignages fictifs, dialogues, échanges épistolaires : le XVIIIe siècle expérimente les formes discursives propres à mimer au plus près la transmission de l’expérience humaine dans le monde réel. Mais en même temps prolifèrent les récits fantastiques, les voyages imaginaires et les utopies, les romans de rêve, les romans ésotériques et même les romans médiévaux, qui reposent sur un socle de vraisemblance élargi où les images, les fantasmes, les illusions, ainsi que leurs mises en récit que sont les fables font pour ainsi dire partie intégrante de cette réalité humaine dont il s’agit de rendre compte. Loin de se limiter à une aire culturelle définie, ce patrimoine offre un vaste champ de circulation dans l’espace et dans le temps. Réécritures, traductions, reformulations, réappropriations : à l’image des Voyages imaginaires publiés par Garnier ou de sommes romanesques telles que le Cleveland de Prévost, l’Icosaméron de Casanova ou le Manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki. Un ouvrage que je prépare sur ce sujet (commande des éditions Hermann) bénéficiera de plusieurs manières du séjour à l’ENS, grâce aux échanges avec les étudiants et les collègues de PSL. Il proposera une exploration de ces espaces narratifs où la fiction, loin de vouloir se calquer sur la réalité, semble faire retour sur elle-même pour s’interroger sur le patrimoine d’images et de discours dont elle se nourrit.
13 janvier 2020, de 11h à 13h, Salle Beckett (ENS, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris)
Le fantastique : question de chronologie. A partir de l’exemple du fantastique, il sera proposé d’examiner les mécanismes qui président à la fixation des genres dans l’histoire littéraire transnationale. Qu’est-ce qui fonde les consensus établis autour de telle chronologie communément admise ? Quelle consistance accorder aux phénomènes dits « précurseurs » ? La thèse qui sera défendue est que le fantastique se reconnaît avant tout par l’agencement d’unités sémiotiques et de séquences issues de traditions dans plusieurs pays, de courants de pensées, de catégories textuelles, de formations discursives et de modes d’expression très divers qui sont profondément enracinés dans les strates du temps et dispersés dans la multiplicité des espaces culturels. Une approche linéaire de la chronologie du genre peut être alors sérieusement mise en cause (13 janvier 2020, de 11h à 13h, Salle Beckett, ENS, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris).
20 janvier, de 11h à 13 h, Salle des Actes, ENS (45 rue d’Ulm, 75005 Paris)
Voyages imaginaires et utopie. Fixé dans son identité générique par la publication du recueil de Garnier en 1787-89, le voyage imaginaire soulève beaucoup de questions, notamment celles-ci : quels rapports ces récits ouvertement fictionnels entretiennent-ils avec ces autres traditions, parfaitement parallèles, qui sont celle de la relation de voyage authentique et celle, tout à l’opposé, de l’utopie ? quelles différences permettraient-elles de distinguer entre compte rendu d’une expérience réelle et récit viatique inventé ? et quelles réflexions sur l’écriture de la fiction ces différences inspirent-elles ? (20 janvier, de 11h à 13 h, Salle des Actes, ENS, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris).
27 janvier, de 10h30 à 12h30, Salle de conférences (46 rue d’Ulm, 75005 Paris)
Romans de rêve. Au siècle des Lumières, où l’essentiel des activités et productions des hommes fait l’objet d’un réexamen sous le régime de la raison et de la critique des préjugés, les rêves fascinent et dérangent tout à la fois. Ils suscitent de nouvelles approches psychologiques et physiologiques, tout en continuant d’investir assez largement le champ de la création littéraire. Tache aveugle dans le champ des connaissances, mais pôle d’attraction irrésistible pour les velléités cognitives, le rêve est aussi un lieu de conjointure ou d’accointance particulièrement fécond entre l’expérience du réel et la production de la fiction. Dans les romans, le rêve peut servir de caution de vraisemblance pour les envolées les plus hardies de l’imagination, d’adjuvant utile dans la construction des intrigues, de signal propre à diriger ou à égarer le lecteur, de champ d’expérimentation ou de réflexion sur l’être humain, ses qualités et capacités ; mais il fonctionne aussi comme un indice particulièrement probant révélant un questionnement posé sur les origines, la matière et la nature de la fiction elle-même. C’est cet espace déployé entre foisonnement romanesque et métafictionalité qui sera examiné (27 janvier, de 10h30 à 12h30, Salle de conférences du 46 rue d’Ulm, 75005 Paris).
Corpus de lectures : L. Bordelon, Histoire de Monsieur Oufle (1710) ; A.F. Prévost, Histoire de M. Cleveland, 1731-1739 ; D. Diderot, Le rêve de d’Alembert, [1769] 1830 ; C.-F. Tiphaigne de la Roche, Giphantie, 1760 ; J. Cazotte, Le diable amoureux, 1772-1776 ; Voltaire, Le Taureau blanc, 1774 ; W. Beckford, Vathek, 1782 ; L.E. de Tressan, Dom Ursino le Navarin, 1782 ; G. Casanova, Icosaméron, 1788 ; J. Potocki, Manuscrit trouvé à Saragosse, 1804 et 1810. Outre ces enseignements, il est prévu de contribuer aux recherches en génétique des textes en lien avec l’équipe « Écritures des Lumières » de l’ITEM, en donnant une conférence au Séminaire général de critique génétique sur la genèse du Manuscrit trouvé à Saragosse et les principes qui ont présidé à sa récente édition (Cf. Œuvres de Jean Potocki, éditées par F. Rosset et D. Triaire, t. IV,1 et IV,2, Louvain, Peeters, 2006).
4 février, de 17h à 19h, Salle Dussane, ENS (45 rue d’Ulm, 75005 Paris)
« Manuscrit trouvé à Saragosse »: le roman infini, Conférence au Séminaire général de critique génétique de l’ITEM. Le Manuscrit trouvé à Saragosse, écrit par Jean Potocki entre 1791 et 1815, a connu une histoire particulièrement compliquée. Ce n’est que récemment qu’on a pu en éclairer les étapes et mettre au jours les différentes versions du roman qui se sont succédé. Il s’agira donc, d’une part, de faire connaître les détails de cette histoire éditoriale et des opérations philologiques qui s’y sont déployées, mais aussi de montrer comment ce roman invite à une lecture métaphorique des processus de production du texte et de sa circulation (4 février, de 17h à 19h, Salle Dussane, ENS, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris).
FrançoisRosset est professeur de littérature et culture française à l’Université de Lausanne. Parmi les quelque 250 publications dont il est l’auteur, consacrées principalement aux formes du roman au XVIIIe siècle, à des questions d’imagologie littéraire et aux Lumières helvétiques dans une perspective d’histoire culturelle, on trouve un bon nombre de travaux d’édition scientifique, notamment de Jean Potocki, de Benjamin Constant, de Germaine de Staël, de Casanova.