Séminaire d’anthropologie européenne des relations entre humains et animaux
Du vendredi 3 décembre 2021 au vendredi 1er avril 2022
De 11h00 à 13h00
salle Beckett (ENS, 45 rue d'Ulm, 75005)
par
Frédéric KECK (LAS, ENS)
Ce séminaire vise à comprendre comment la gestion des maladies d’origine animale a reconfiguré les relations entre humains et animaux en Europe, en faisant apparaître par contraste avec d’autres régions du monde les formes d’attachement et de distance qui se construisent autour des risques d’infection et de contagion aux frontières entre les espèces.
La multiplication des crises sanitaires causées par des maladies d’origine animale (ou zoonoses), comme la « vache folle » en 1996, la « grippe aviaire » en 2005 ou plus récemment la Covid-19, a révélé les transformations des relations entre humains et animaux en Europe. Elle a accentué l’écart entre la perception des animaux comme des marchandises bonnes à consommer et leur perception comme des êtres vivants avec lesquels s’établissent des relations de cohabitation. Les images de marchés aux animaux vivants sur d’autres continents (Asie, Afrique) ont montré par contraste l’effet de la révolution de l’élevage industriel en Europe dans l’invisibilisation de la mise à mort des animaux et la montée d’une sensibilité nouvelles les configurant comme des compagnons de vie.
Ce séminaire vise à comprendre comment la gestion des maladies d’origine animale a reconfiguré les relations entre humains et animaux en Europe, en faisant apparaître par contraste avec d’autres régions du monde les formes d’attachement et de distance qui se construisent autour des risques d’infection et de contagion aux frontières entre les espèces. Il prend pour objet central la notion de biosécurité, qui désigne l’ensemble des mesures permettant de contrôler la circulation des pathogènes dans des lieux de concentration de matériel biologique comme des fermes, des marchés ou des laboratoires. Alors que l’Europe s’est construite comme un espace ouvert dans lequel les marchandises circulent librement, les dispositifs de biosécurité ont réintroduit des frontières entre des territoires politiques soucieux de conserver leur souveraineté, mais aussi entre différentes espèces animales perçues à travers la coupure du sauvage et du domestique.
Des réseaux de surveillance des animaux considérés comme des réservoirs de pathogènes se sont organisés au travers du continent européen, invoquant souvent le principe « Un monde, une santé » pour justifier la coordination entre des médecins, des épidémiologistes, des microbiologistes, des vétérinaires et des écologues. En s’appuyant sur des associations locales comme les chasseurs ou les naturalistes pour mieux comprendre les fonctionnements des réservoirs animaux, ils ont mis en lumière des différences, et parfois des conflits, entre des formes de relations aux animaux selon les histoires politiques et culturelles. La surveillance des animaux présente en effet des aspects ambigus voire contradictoires, puisqu’elle mélange le contrôle et le soin, et reprend des techniques de pouvoir appliquées aux populations humaines sans solliciter le consentement des animaux. Il faudra alors décrire dans quelle mesure l’attention aux signaux d’alerte portés par les animaux considérés comme des sentinelles permet de tenir ensemble des modalités variables de relation au vivant.
Programme
Vendredi 5 novembre | 11h-13h
L’Europe face aux crises sanitaires d’origine animale
Vendredi 3 décembre | 11h-13h
Animaux de laboratoire et animaux de rente : l’élevage des furets et des visons en Europe du Nord
Vendredi 7 janvier | 11h-13h
L’enrôlement des éleveurs de rennes Sami dans l’anticipation des maladies à prion en Scandinavie
Intervenants : Simon Maraud et Samuel Roturier (AgroParisTech)
Vendredi 11 février | 11h-13h
Naturalistes et animalistes en Grande-Bretagne et en Italie
Intervenante : Vanessa Manceron (LESC)
Vendredi 4 mars | 11h-13h
L’enrôlement des chasseurs de sangliers dans la gestion de la peste porcine africaine en Europe centrale
Intervenant : Ludek Broz (Institut d’Ethnologie, Prague)
Vendredi 1er avril | 11h-13h
Les politiques de réensauvagement (rewilding) en Europe du Sud
© Süleyman Şahan – Pexels