Le tableau, une archive de la création : l’exemple du Bleu de Prusse à Paris au XVIIIe siècle
par Charlotte Guichard (IHMC, CNRS/ENS)
Cette communication propose d’envisager le tableau non pas de manière esthétique ou seulement formelle, mais comme un objet matériel et une archive documentaire, dépositaire des traces picturales et des manières de faire qui ont présidé à sa réalisation — en ce sens, révélateur des choix opérés par les artistes au moment du processus créatif. Dans un dialogue avec les sciences du patrimoine et de la conservation, elle s’interrogera sur la manière dont les données collectées aujourd’hui sur les tableaux conservés dans les musées (données physico-chimiques croisées avec des sources historiques) peuvent contribuer à une histoire renouvelée de la création en art. On prendra l’exemple d’un pigment nouveau, appelé Bleu de Prusse, inventé au XVIIIe siècle pour servir de substitut ou de complément à d’autres pigments anciens (outremer, smalt). Suivre les traces de ce pigment nous permettra de comprendre les conditions de l’invention de ce pigment et les collaborations intenses mais méconnues entre artistes, apothicaires et chimistes ; les raisons des choix opérés par les artistes en matière de pigment (coût, couleur, valeur symbolique) et sur lesquels les sources historiques sont rares, et enfin la diffusion de ce pigment dans les milieux artistiques et industriels parisiens à un moment d’intenses innovations dans le monde de la couleur. Cette communication présentera les résultats d’une enquête récente, menée en collaboration avec Hannah Williams (Queen Mary Un.) et Anne-Solenn Le Hô (C2RMF), en partenariat avec le C2RMF, grâce à un financement du DIM Matériaux anciens et patrimoniaux, et publiée dans Art History (2023).