Archives d’écrivains en Allemagne et leur contexte européen
par Michel Espagne (Pays germaniques, CNRS/ENS)
L’intervention partira de textes fondateurs de Wilhelm Dilthey sur le rôle des archives littéraires dans l’histoire culturelle allemande et la fondation d’une identité nationale. Le modèle initial a été fourni par Lessing et la collecte des papiers de Goethe à Weimar. Mais toutes les régions d’Allemagne sont concernées et la fondation du Musée de la littérature allemande de Marbach ou les Archives de Leibniz à Hanovre s’inscrivent dans cette connexion programmatique de la géographie et des archives. La nécessité de fonder des archives littéraires implique en outre une forme particulière de développement des sciences humaines au sens de “Geistesgeschichte”.
A partir de là j’aborderai la question du lien entre archives littéraires et archives historico-politiques. L’histoire littéraire de la France engagée par les Bénédictins de Saint Maur et poursuivie dans le cadre de l’École des Chartes correspond en fait à un projet éditorial d’archives politiques. La Chanson de Roland a été découverte et éditée par un auditeur de l’École des Chartes, Francisque Michel. S’affranchissant des cadres nationaux Napoléon a cherché à fonder des Archives de l’Europe à Paris. Elles auraient aussi été littéraires puisque les papiers de Winckelmann ont été ramenés de Rome à Paris où, après l’effondrement de l’empire, on les a oubliés. La présence des manuscrits de Heine à Paris (ou de nombre d’entre eux) montre également que les archives ne sont pas aussi nationales que le pensait Dilthey. Quant à l’ambition des historiens d’avoir un monopole des archives, elle est nuancée par nombre de travaux d’épistémologie de l’histoire (Arlette Farge, Le goût de l’archive, etc.) ramenant le traitement des archives en vue de la rédaction d’un texte historique à l’utilisation des fragments transmis, des brouillons, des manuscrits de travail.