Éditer (et rééditer) l’archive voltairienne : les enjeux et défis de la correspondance
par Nicholas Cronk (Voltaire Foundation, Université d’Oxford)
La correspondance de Voltaire représente une grande somme de la littérature des Lumières, et telle que nous la connaissons aujourd’hui, elle est la création de Theodore Besterman (1904-1976). Son édition monumentale de cette correspondance remonte aux années 1950, et elle reflète évidemment les pratiques éditoriales de son époque. Son attention porte presque exclusivement sur le contenu des lettres, au risque de négliger les questions concernant leur matérialité : le papier, l’écriture, la présence ou non d’une adresse, les marques de la poste, et ainsi de suite. Il ne saurait être question de rééditer sur papier une édition qui compte plus de cinquante volumes et plus de 21 000 lettres. Mais la numérisation de cette édition, qui fait partie du projet en cours de construire une version numérique des Œuvres complètes de Voltaire, nous offre l’occasion de repenser, dans une certaine mesure au moins, l’édition de Besterman. D’abord, nous pourrons ajouter au corpus de nouvelles lettres, au fur et à mesure des découvertes, et aussi apporter des compléments d’information aux notes qui ne semblent plus adéquates. Ensuite, nous voudrions exploiter le potentiel du numérique pour mieux mettre en évidence les multiples réseaux qui innervent la correspondance de Voltaire, et qui sont difficiles à repérer dans une édition imprimée. Enfin – et c’est peut-être le plus grand défi — comment pouvons-nous imaginer une édition numérique de cette correspondance qui puisse à l’avenir rendre plus sensible les aspects matériels des lettres elles-mêmes ?