Ian PACKER
Ian Packer est ethnologue. Docteur en Anthropologie Sociale par l’Université de Campinas (Unicamp), au Brésil, il a écrit une thèse sur les arts verbaux du peuple amérindien Krahô. Il développe des recherches dans le domaine de l’ethnologie amérindienne et de l’anthropologie linguistique, avec un intérêt particulier pour la théorie du rituel, la traduction des poétiques vocales amérindiennes et l’ethnographie des peuples de langue jê. Actuellement il est chercheur associé au Centre de Recherche en Ethnologie Indigène (CPEI/Unicamp) et post-doctorant du programme Translitterae, étant associé au Laboratoire d’Anthropologie Sociale (Collège de France/EHESS/CNRS).
Projet : Ma recherche post-doctorale porte sur les défis et les dilemmes liés à la traduction des poétiques orales amérindiennes, traduction comprise non seulement dans sa dimension strictement interlinguistique, mais aussi dans ses dimensions intersémiotique (de la performance vocale à la page écrite) et épistémologique (d’un régime esthétique et conceptuel à d’autres). Au cours des deux dernières décennies, un significatif corpus « littéraire » amérindien a vu le jour, constitué tant par les travaux d’ethnologues et de linguistes plus attentifs aux dimensions formelles et poétiques des arts verbo-musicaux amérindiens que par les œuvres des poètes et d’écrivains autochtones eux-mêmes, qui écrivant à partir de leurs propres langues maternelles et de leurs pratiques narratives traditionnelles ou directement dans les langues coloniales et à partir des conventions et références littéraires modernes, font un usage croissant de la forme « livre » dans leurs luttes pour la garantie de leurs droits territoriaux et sociaux et pour la résilience de leurs cultures. En examinant de manière critique les différents propos traductifs, éditoriaux et performatifs impliqués dans ces productions hétérogènes, mon intention c’est de contribuer à ce champ d’expérimentation interculturel en développant des paramètres conceptuels et poétiques pour la traduction littéraire de deux genres de chants rituels krahô (peuple amérindien de langue Jê qui vit dans le centre-nord du Brésil): à savoir, le « Chant de la Petite Hâche » (Kàjre jarkwa), chant narratif « épique » énoncé à deux voix et qui remanie le récit mythique d’origine de cet important artefact rituel par le biais d’un ensemble de formules verbales, et les « Chants de Maraca » (Cohtoj jarkwa), chants énoncés au moyen de l’interaction entre un chanteur et un chœur de chanteuses et qui se caractérisent par le minimalisme verbal de leurs images et par un mode de figuration qui emploie innombrables onomatopées et mots asémantiques, ce qui finit par en opacifier le sens. Dans ces deux cas, l’autorité des textes en question est attribuée à des êtres non humains (la Petite Hache elle-même et la myriade d’animaux, de plantes et de paysages qui composent le monde) et il y a donc certaines questions centrales qui guideront la présente recherche: comment élaborer une « poétique du traduire » qui s’implique dans la complexité énonciative qui provient de ces « textes » ? Comment réinventer dans l’espace poétique de la langue cible et (re)mettre en scène dans l’espace graphique de la page les rythmes et les expressivités sonores qui caractérisent de manière fondamentale ces formes expressives ?
© Ian Packer & Leonardo Prado