Le tournant global des études européennes : sciences sociales, humanités, études environnementales
par Stéphane VAN DAMME (IHMC, ENS) & Blaise WILFERT (Département de sciences sociales, ENS)
Florissantes dans les années 1980, les études européennes, en histoire, en sociologie, en littérature, en philosophie, ont ensuite connu une éclipse durable, notamment liée au déploiement du « tournant global » (global studies, imperial studies, world literature, études post-coloniales, histoire transnationale et globale, sociologie et philosophie du cosmopolitisme). Celui-ci a pu contribuer à disqualifier toute forme de cadrage européen des enquêtes, rabattu trop rapidement sur l’ethnocentrisme dépassé des orphelins de la domination impériale. L’injonction globale, remarquablement productive et bien sûr essentielle, a pu ainsi favoriser une polarisation heuristique (à un pôle, l’exigence globale, à l’autre, le cadrage « naturellement » national) qui a rabattu les études européennes sur l’analyse politiste et juridique de l’Union européenne.
Il y a une dizaine d’années, Alain Caillé et Stéphane Dufoix avaient fait un état des lieux du tournant global des sciences sociales (Le Tournant global des sciences sociales, La Découverte, 2013). Nous souhaiterions, à notre tour, et dans un cadre disciplinaire beaucoup plus large, contribuer à la réflexion collective sur ce « tournant global », de la philosophie à l’histoire en passant par la sociologie, la littérature, la géographie, les études antiques, les sciences de l’environnement, en passant par la question problématique de la globalité de l’Europe dans un monde multipolaire où l’Europe n’a plus de prééminence symbolique ni de vocation a priori de parangon de l’universel.
La réduction de la question européenne et l’absence de réflexion sur son articulation avec les sciences du global paraissent particulièrement dommageables, surtout depuis quelques années, alors que notre continent est traversé de crises en série. Il nous semble essentiel, justement, de penser son présent et les possibles de son avenir dans son rapport avec le monde, ce qui implique de travailler à l’articulation des sciences du global avec des études européennes renouvelées. C’est ce que nous souhaitons faire, en organisant, sous la forme notamment d’un colloque international, une ample réflexion collective sur le tournant global au prisme de l’Europe, et les études européennes au prisme des sciences du global.