Septembre 2020
Les Cahiers naturalistes : Les mondes naturalistes (N°94)
Alain PAGES (dir.) ; Société littéraire des Amis d’Émile Zola
Le Centre d’étude sur Zola et le naturalisme de l’ITEM-CNRS / ENS a le plaisir d’annoncer la publication des Cahiers naturalistes (2020). Dirigé par Alain Pagès, le numéro 94, soutenu par le Centre National du Livre et l’École universitaire de recherche Translitterae, publie deux dossiers thématiques.
Le premier, coordonné par Corinne Saminadayar-Perrin, porte sur « les petits naturalistes ». Épigones des Zola, Goncourt, Flaubert, ils sont souvent déconsidérés et exclus des histoires littéraires. Influencés de façon excessive par leurs maitres, ces disciples et sages assimilateurs, n’auraient pas dépassé la fabrication de pâles imitations des chefs-d’œuvre, tels que L’Education sentimentale ou Pot-Bouille. Partant de l’hypothèse d’une « littérature au second degré », les articles explorent une poétique de la relation : hommage, critique, caricature, reflets et retournements, jeu sur l’illusionnisme réaliste… autant d’éléments d’une réflexivité esthétique qui, au sein d’un groupe d’écrivains – Caze, Rosny, Descaves, Alexis, Guiches et d’autres – sonde diversement les entrailles de quelques grands romans réalistes-naturalistes et expérimentent les virtualités de leurs résonances formelles. Des œuvres « secondes », s’écrivant en écho à un modèle, retraitent par exemple la répétition du petit, du simple et du banal, selon des biais ironiques.
Le second dossier, coordonné par Olivier Lumbroso, aborde la diffusion du naturalisme dans des contextes étrangers, à la suite des travaux historiques et comparatistes. Il se consacre en particulier aux lettres internationales inédites reçues par Émile Zola au cours de l’affaire Dreyfus. Ces lettres s’avèrent précieuses non pas forcément par leur érudition ou leur style, mais par leur grande variété de langues, de registres et de tons, de références culturelles, d’annexes constituées d’articles de presse et de poèmes. Archive-monde de premier ordre, elles constituent un creuset culturel, traversé par des discours que l’épistolier, ou un groupe de rédacteurs, tissent dans le montage textuel de lettres-pétitions.
Comme dans le cas des « petits » naturalistes, il fallait réévaluer ces lettres multilingues des gens « ordinaires » pour se rendre compte qu’en dépit de l’anonymat de leur auteur elles ne sont pas moins intéressantes que celles des destinataires de plus grande notoriété qui ont écrit à Zola. Riches ou modestes, bourgeois urbains ou campagnards, lettrés ou peu cultivés, les épistoliers s’estiment les maillons d’un réseau actif, siégeant dans ce « parlement des invisibles » (Pierre Rosanvallon) composé des citoyens des nations, engagés à leur échelle dans le combat pour la justice et la vérité. Ces archives épistolaires sont en ligne sur la plateforme d’édition EMAN.
Tous les continents sont couverts, sur une période qui va surtout des années 1880 jusqu’à la fin de la vie de l’écrivain : l’Europe limitrophe de la France (Belgique, Suisse, Allemagne, Espagne, Angleterre…), l’Europe de l’Est (Hongrie, Pologne, et les lettres de Russie…), les deux Amériques, du Nord et du Sud (Canada, États-Unis, Chili, Argentine, Brésil, Colombie, Costa Rica, Mexique ou encore Venezuela), le continent asiatique, (Inde et Indonésie), l’Australie, l’Afrique du Sud. Les collaborateurs du projet sont loin d’avoir fait le tour de ce courrier international, dont une grande partie reste encore inédite. Cependant, le corpus déjà constitué permet d’élaborer une méthode et des axes de lecture qui répondent à la question principale du projet : quel traitement apporté à une telle masse épistolaire, pour quels intérêts et quels usages ?
PAGES, Alain (et coll.) ; Les Cahiers naturalistes : Les mondes naturalistes (n°94), Société Littéraire des Amis d’Émile Zola et Éditions Grasset 2020, 464 p., ISBN : 2-912012-27-9.