Morten JELBY
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Après avoir obtenu un Master en Philosophie contemporaine (Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Morten E. Jelby a réalisé un deuxième Master en Théorie de la littérature (Sorbonne, cohabilité ENS et EHESS) avant d’entamer sa thèse en tant que doctorant Translitteræ, rattaché à Pays germaniques-Archives Husserl de l’ENS. Ses mémoires de Master portent respectivement sur la perception chez Sartre et sur la littérature chez Jan Patočka. Morten, dont la thèse, dirigée par Marc Crépon et co-dirigée par Michel Dalissier, porte sur la phénoménologie et la poétique chez deux penseurs de l’école de Kyoto, a réalisé un séjour de recherche à l’Université de cette même ville en tant que boursier MEXT, représentant du Danemark dont il est ressortissant. Il traduit de nombreux textes de philosophes japonais vers le français, l’anglais et l’espagnol. Sa thèse doctorale s’inscrit aux intersections de la philosophie et de la littérature, faisant le pont entre la phénoménologie européenne et japonaise.
Projet EUR : L’être-au-monde chez Tanabe Hajime et Nishitani Keiji
En mettant en exergue ces deux penseurs de l’école de Kyoto, à l’intersection des philosophies de Nishida Kitarô et de Heidegger, cette thèse tente de montrer la force de leur contribution à la tâche actuelle d’une pensée conséquente de notre inscription dans le monde, de la co-appartenance originaire de l’apparaissant et du « sujet » de l’apparaître, ou en bref, de l’être-au-monde. Les penseurs de Kyoto partent de l’idée d’une unité originaire de phénoménalité plus profonde que le sujet et l’objet, et tentent, à partir de là, de penser l’articulation de ces deux pôles de notre expérience de telle manière qu’autant la transcendance que la présence des choses telles qu’elles sont, en chair et en os – ou les choses dans leur ainsité – soient concevables. Or tout en puisant dans les textes des penseurs européens de leur temps – c’est leur point de départ explicite – ces auteurs mettent également à profit les ressources philosophiques de la tradition intellectuelle japonaise prémoderne, surtout celles bouddhiques (Shinran, Dôgen, Bashô…). D’où un tournant qu’il convient d’appeler asubjectif dans la pensée phénoménologique des penseurs de Kyoto, un tournant qui va de pair avec une dialectique du néant absolu (Tanabe) ou une (mé)ontologie de la vacuité (Nishitani), qui permet de penser à nouveaux frais la question de l’apparaître et de l’enracinement. Or, cette interrogation se lie de plus en plus intimement à une poétique qui se centre, chez Tanabe, sur le symbolisme français (Valéry, Mallarmé) et, chez Nishitani, sur Matsuo Bashô, faisant contrepied aux interprétations heideggériennes de Hölderlin. La phénoménologie asubjective de l’être-au-monde que cette thèse tente de mettre au jour à travers l’œuvre de Tanabe et de Nishitani a ainsi pour envers une poétique de l’être-au-monde, qui se dégage dans le passage entre l’Allemagne et le Japon philosophiques, le Japon et la France poétiques. Pour une lecture phénoménologique préliminaire de Nishitani, voir l’article « Aletheia et ainsité : la phénoménologie de la vacuité chez Nishitani Keiji » dans Études phénoménologiques, no. 5, 2021. Pour Tanabe Hajime, voir la traduction du premier texte de l’auteur japonais, « On thetic judgment », à paraître dans European Journal of Japanese Philosophy, numéro 6, 2021.
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© Portrait de Tanabe, stylo noir, M. Jelby