Traduire le vernaculaire
Porteur du projet :
Marc PORÉE (Lattice)
L’actualité de la problématique se veut double. Elle s’inscrit d’abord dans un mouvement général, depuis une dizaine d’années, de retraduction des grands classiques de la littérature mondiale. Dans
le seul domaine de la littérature anglo-américaine, les écrits de Herman Melville, R.L. Stevenson, James Fenimore Cooper, Mark Twain, E. A. Poe, George Orwell, etc., ont récemment fait l’objet de
nouvelles traductions françaises, saluées parce que donnant à lire un visage à ce jour inédit de ces grands textes.
Ensuite parce que, dans l’immense majorité des cas, c’est une demande de prise en compte de la dimension vernaculaire de ces mêmes oeuvres, largement passée sous silence par les traductions
précédentes, qui est à l’origine des retraductions. Le vernaculaire, l’argot, la langue non standard, les dialectes ont (trop) longtemps représenté « l’absente » de tous textes traduits. Comment les traducteurs s’y prennent-ils aujourd’hui pour convertir l’absence en présence, et au prix de quelles difficultés ce qui passait, jadis, pour « littérairement incorrect » trouve-t-il désormais droit de cité ?
Ajoutons que la question vernaculaire est universelle, et qu’elle se pose également sur le temps long, en gros, depuis l’époque du « romantisme des peuples », dans un rapport souvent conflictuel avec la « Fabrique de l’écrivain national » (Anne-Marie Thiesse), tiraillé qu’est ce dernier entre fidélité aux parlers régionaux, frontaliers, dialectaux, indigènes, et besoin de s’adresser à l’univers entier.
Dans un premier temps, la JE s’en tiendra aux seules littératures européennes, sans exclusive, et avec pour objectif de réfléchir aux différentes modalités de co-présence du vernaculaire, de l’insertion ponctuelle au sein d’un texte standard (sous forme de dialogues) à la vampirisation de ces mêmes textes par des formes régionales, hybridisées, métissées, créolisées, joualisées, patoisantes, dialectales, etc.
© Mark Twain, The Adventures of Huckleberry Finn, 1884